Le salon de la femme
Ce matin, je me suis réveillée avec une idée particulière en tête. Et si je créais un salon de la femme. Drôle d'idée allez-vous me dire, mais, dans le fond, pourquoi pas. Il existe bien différents salons de par le monde : le salon de l'auto, de l'alimentation, du bâtiment, de l'agriculture, de l'érotisme et bien d'autres encore. Donc pourquoi pas un salon de la femme. Un salon qui nous dirait ce qu'est une femme.
Me voilà plongée dans mes pensées, réfléchissant à comment l'organiser. Mais comment faire ? Pour une voiture, je me renseignerais auprès des dites marques, je feuilletterais leurs catalogues, leurs publicités. Je leur attribuerais à chacune un stand afin qu'elles puissent exposer leurs dernières nouveautés, leurs modèles les plus luxueux. Je les classerais en catégories : luxe, utilitaire, électrique, diesel, etc...
Pour la femme comment m'y prendre, il n'y a pas de marque. Un peu de réflexion et soudain l'idée surgit. Un stand par continent, par ethnie, par type : caucasien, asiatique, africain, arabe, sud-américain....
Première chose à faire, en route pour la librairie la plus proche afin de me procurer des catalogues. Mais si ça existe, ça s'appelle un magazine féminin.
Retour à la maison et premier feuilletage de ces dits catalogues et là grosses surprises. J'ai beau le tourner dans tous les sens, passer d'une page à l'autre, revenir au début, au milieu à la fin, je suis un peu perplexe, étonnée de ce que je vois. Comment vais-je pouvoir organiser un salon de la femme avec ce que ces catalogues me proposent. Si j'y regarde de plus près, je pourrais quasiment l'organiser chez moi, un simple pièce de 30m², et tous les modèles seront exposés. Ce n'est pas possible, je pensais vraiment qu'il y avait plus de femmes que ce que je vois, partout un seul modèle, seule la couleur de la peau, des cheveux, change. Comment pourrai-je montrer au monde entier la beauté, la diversité de la gente féminine si je n'ai que quelques exemples à proposer ? C'est incroyable, moi-même je ne me retrouve pas dans ces catalogues et pourtant je suis une femme.
De nouveau un peu de réflexion et la solution la plus intelligente s'impose. Si je veux montrer au monde entier la femme dans toutes ses différences, dans toutes ses beautés, ses diversités, il ne me reste qu'une seule chose à faire. Parcourir le monde, les pays, les villes, les rues, appareil photo en main et créer moi-même mon propre catalogue. Bien sur cela ne se fera pas en une journée, le monde est si vaste, mais qu'importe, il faut rétablir la vérité, il faut montrer à ces faiseurs de publicités que nous, les femmes, nous ne sommes pas que quelques spécimens bien choisis, bien triés, bien catalogués, bien formatés.
Un an plus tard, me voici de retour. Je pense avoir usé toutes les cartes mémoires qui existent sur cette planète. J'ai dans les yeux des millions d'images magnifiques, de photos sublimes, émouvantes, attendrissantes. J'ai découvert, mais je le savais déjà, que si j'étais éditeur de catalogues, jamais je n'aurais assez de papier que pour représenter ce qui vient de m'émerveiller.
D'une femme formatée, présentée sur papier glacé comme étant la femme, cette image que l'on donne de nous, cette poupée barbie que l'on veut que l'on soit nuit et jour, j'ai eu difficile de la trouver. Bien sur il en existe, bien sur elles ne sont pas inventées, mais au cours des mes voyages, ce n'est pas cette femme que j'ai découverte, mais des millions d'autres.
Des petites, des grandes, des maigres, des minces, des enrobées, des grosses, des blondes, des rousses, des brunes, des noires, des blanches, des légèrement ou plus basanées.
J'ai croisé des milliers de regards, des bruns, des bleus, des verts, des pétillants, des tristes, des malicieux.
J'ai vu des sourires, des larmes.
Des femmes qui luttent contre leurs kilos en trop, des femmes qui essayent vainement d'en prendre quelques uns pour se sauver de leur anorexie.
J'ai aidé des mal-voyantes heureuses, des sourdes qui me souriaient, des handicapées heureuses de ce que la vie leur apporte.
Je me suis attendries devant ces mères berçant leur nouveau-né, ces mères dont le ventre n'avait pas et ne retrouvera peut-être jamais une taille de guêpe, mais qui n'en ont rien à faire. Elles sont tellement heureuses en croisant le regard de leur enfant.
J'ai croisé des femmes qui rigolaient en demandant à une personne de les aider pour attraper le paquet de céréales sur l'étagère du haut car elles étaient trop petites pour l'atteindre et d'autres parce qu'elles allaient chercher leurs paires de chaussures au rayon homme car, vu qu'elles étaient très grandes, elles n'en trouvaient pas au rayon femme.
J'ai vu des femmes travailler dur des heures durant et se moquer pas mal qu'on les voit en sueur, les cheveux en bataille, elles sont tellement fières de leur travail, d'être indépendantes, autonomes.
Des femmes heureuses avec un époux se moquant pas mal si elles étaient maquillées aujourd'hui, si elles avaient la dernière coupe de cheveux à la mode, si elles avaient 10 kilos en trop. Des femmes dont le mari n'avait qu'un seul regard, celui qui disait « toi, je t'aime » !
Même ici, sur papier, je ne pourrais écrire tout ce que j'ai vu, découvert, admiré, toutes ces femmes de par le monde entier, toutes ces beautés, même si d'autres les qualifieraient de banales voire de moches ou laiderons.
Je suis dans mon divan, cogitant à qui mieux mieux, mes photos défilant sur le pc, des heures de visionnage, des heures de bonheur. Et soudain je réalise une chose. Jamais je ne pourrais organiser un salon de la femme. Impossible. Je ne pourrais pas les classer, je ne pourrais pas dire qui est beau, laid, de luxe, utile, futile, amusant, etc....
Ce n'est pas difficile, chaque femme est différente, chaque femme à sa propre beauté. Je n'ai trouver personne de laid, personne hors norme. Mais qui suis-je aussi pour dire qui est beau ou qui est laid ? Qui suis-je pour dire « vous les femmes vous devez être comme ceci » ? Comment pourrai-je cataloguer quelque chose ou des personnes qui sont, je vais inventer un mot, incatalogables.
Si je voulais vraiment créer un salon de la femme, comment ferrai-je pour trouver un espace assez vaste pour contenir tout ce que la vie nous offre de merveilleux en diversité féminine ?
Et puis, en y réfléchissant bien, il existe déjà ce salon de la femme, il s'appelle tout simplement la vie. Il se passe partout dans la monde, partout où notre regard se pose, partout où nos yeux croisent une femme. Le seul problème, c'est que beaucoup d'entre nous ont oubliés qu'il n'existe pas une seule forme de beauté, que cette beauté justement se crée dans la diversité.
A partir de ce moment là, quand chacun d'entre nous réalisera vraiment la puissance de cette beauté, tout le monde découvrira alors, ce magnifique salon de la femme qui nous est offert chaque jour de notre existence.